• Un service ordinaire.

     

     

     

     

     

    Un service ordinaire.

     

     

    « Cher Monsieur Jean,

     

    J’espère que ce courrier vous parviendra.

     

    Je l’adresse à la direction de l’hôpital car je ne connais que votre prénom, inscrit sur le badge que vous portiez à l’accueil, lorsque je vous ai rencontré.

     

    Vous ne vous souvenez sans doute pas de moi, mais moi, je ne vous ai pas oublié. Il y a environ un mois, je suis venue à l’hôpital de la Pitié Salpetrière pour rencontrer le docteur Girenstein, le chirurgien qui devait m’opérer de la hanche.

     

    A mon âge, on craint toujours de se perdre et je n’en menais pas large quand je me suis présentée à l’accueil.

     

    Non seulement vous m’avez indiqué mon chemin avec le sourire, mais vous avez eu la gentillesse de m’accompagner jusqu’au bureau du chirurgien à travers le dédale des couloirs de l’hôpital.

     

    Bien sûr, vous serez étonné, je pense, de recevoir cette lettre. Car je sais bien que votre geste spontané de me guider partait d’un bon sentiment. Mais vous ne pouvez pas savoir combien votre gentillesse m’a réconfortée. Je suis d’un naturel plutôt inquiet et ce jour là, vous m’avez libérée d’un poids dont vous n’avez pas idée. J’avais vraiment envie de vous embrasser pour vous exprimer ma reconnaissance.

     

    Vous sourirez sans doute en lisant cela, mais c’est la vérité.

     

    Aussi, pour vous remercier, je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint un petit recueil que j’ai publié il y a une dizaine d’années, dont la lecture, j’espère, vous fera passer un moment agréable.

     

    Je vous souhaite une bonne journée et beaucoup de bonheur dans votre vie.

     

    Affectueusement à vous,

     

    Madeleine Charone. »

     

    …………………………….

     

    Monsieur Jean retourna l’enveloppe et lut l’adresse du destinataire :

     

    « Monsieur Jean, employé à l’accueil de l’hôpital de la Pitié Salpetrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital 75 PARIS 13ème. »

     

    La secrétaire du DRH qui la lui avait remise le matin même, avait précisé en souriant qu’elle s’était un peu baladée dans les services car « Monsieur Jean »…n’est ce pas ?....

     

    Il se souvenait effectivement de cette petite dame un peu voûtée qu’il avait aidé à trouver son chemin. Il se rappelait même avoir dû se pencher légèrement pour voir son visage à travers la lucarne vitrée de l’accueil. Oui… elle avait effectivement du mal à marcher… à cause de sa hanche…

     

    Depuis prés de 10 ans qu’il assurait en roulement l’accueil de l’hôpital de la Pitiè Salpétrière,  il avait souvent à faire avec des personnes âgées non accompagnées, un peu paniquées en découvrant le labyrinthe des salles, des couloirs et des étages des bâtiments . Leur angoisse le touchait, car il la ressentait.

     

    Alors, il se levait et il les accompagnait quand c’était possible après avoir demandé à un collègue de le remplacer cinq minutes, le temps de conduire le visiteur ou la visiteuse à son rendez vous.

     

    Cela n’avait rien d’extraordinaire. Il trouvait même cela tout a fait normal. Il était à l’accueil, et donc, il accueillait. Du mieux possible. Pourtant, il reconnaissait que parfois, la désinvolture de certains de ces collègues lui faisait un peu honte. La façon dont ils s’adressaient aux malades ou aux visiteurs le choquait. Et il voyait bien que ces derniers, en état d’infériorité, n’osaient pas répondre. Un jour, particulièrement indigné par le mépris affiché dans le ton d’une réponse inintelligible, faite à un monsieur âgé, timide et très poli, il n’avait pu s’empêcher d’en faire la remarque à son collègue, et ils s’étaient violemment disputés. Depuis, ils ne se parlaient plus, ce qui n’empêchait pas l’autre de continuer à rabrouer les visiteurs, quand il était mal luné.

     

    Jean avait eu envie de répondre à Madeleine, pour la remercier de sa lettre. Mais pour dire quoi ? Qu’il n’avait fait que son travail ? Et puis l’enveloppe ne mentionnait pas l’adresse de l’expéditeur.

     

    Après qu’il lui eut raconté l’anecdote, un ami lui avait dit :

     

    - C’est normal que cette personne âgée ait apprécié ton comportement à son égard. Et qu’elle ait tenu à te le faire savoir. Car ce que tu considères, toi, comme normal, et qui l’est effectivement, est devenu aujourd’hui exceptionnel. Ne s’étonne t-on pas par exemple quand une personne dit bonjour dans la rue ? La simple politesse, le moindre geste de solidarité banal et ordinaire se doit d’être relevé tellement il a tendance à se raréfier. Nous devenons frileux et craintifs. L’autre n’est plus un frère mais un ennemi potentiel. On marche sur la tête !….

     

    Jean était d’accord, bien sûr, mais ça le gênait de l’admettre. Il ne savait pas très bien pourquoi.

     

    Il avait demandé à un médecin de l’hôpital, avec qui il échangeait parfois quelques mots, s’il connaissait Madeleine Charone, car le recueil qu’elle lui avait envoyé traitait d’une analyse sur la psychologie de la mère et de l’enfant.

     

    Madeleine Charone était effectivement connue dans le milieu médical comme une psychanalyste du début du vingtième siècle dont les travaux avaient inspirés François Dolto, grande spécialiste de la psychologie de l’enfant.

     

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  • Commentaires

    1
    Lou foque
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 21:04
    J'avoue avoir deviné dès le début... Mais ton récit est si humainement simple... et si compliqué pour moult de personnes égocentriques...
    PS: je ne connais pas bien sûr Madeleine Charone... Simplement, je savais que la grande âme d'un être simple allait rencontrer la reconnaissance simple d'un être charismatique... Un vrai conte.. de Noël... Merci... Lou
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    2
    Julien Daumange Profil de Julien Daumange
    Jeudi 17 Décembre 2009 à 22:03
    Merci Anne. Tu sais que je fais grand cas de tes commentaires toujours pertinents. Comme de tes écrits d'ailleurs, qui laissent tous transpirer ta soif d'expression et de communication. Je t'embrasse affectueusement. Julien
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