• Un bon portrait....

    Je me souviens de STEPHANE AUDRAN
     
    ... et de ses jambes fuselées, couleur caramel.
     
    J'ignore si ce compas de chair était aussi coûteusement assuré que celui de Cyd Charisse. Je sais juste que Claude Chabrol, son pygmalion, ne manquait jamais une occasion de le filmer pour le sublimer. Audran à l'écran faisait monter d'un coup la température. Elle était le corps érotique de la Nouvelle Vague. Celui de la bourgeoisie viciée, si chère à son mari, qui lui offrit ses meilleurs rôles dans un tir groupé de légende : La Femme infidèle (1969), Le Boucher (1970), Juste avant la nuit (1971), Les Noces rouges (1973).
     
    Turban, chignon, cigarette, peignoir, un rien l'habillait, qu'elle soit objet de jalousie, victime ou manipulatrice. Casque roux objet de jalousie, victime ou manipulatrice. Casque roux ou blond, voix tendre et grain de beauté sur la joue, sa séduction entremêlait SOphistication et indolence. Une once de détachement un peu triste, un soupçon de rire intérieur se lisait dans son jeu, faisant craquer le vernis de l'épouse pompidolienne. L'ordre bourgeois et la bonne morale pouvaient soudain dérailler, s'embraser sous l'effet de ses yeux irréels. La vamp savait cultiver l'ambiguïté, tout en élégance et sobriété. Elle avait commencé au théâtre, en même temps que Delphine Seyrig, Laurent Terzieff et Jean-Louis Trintignant, son premier mari.
     
    Libre et libérée, elle était souvent entourée d'un halo de perversion mâtinée d'amusement. Luis Bufiuel en a fait une nymphomane surréaliste dans un film dont le titre a scellé son image : Le Charme discret de la bourgeoisie (1972). Après son divorce avec Chabrol, en 1980, elle a su se réinventer dans des rôles de garce ou de méchante. On ne l'a pas oubliée en traîne-savates canaille dans Coup de torchon (Bertrand Tavernier) et en zombie grise dans Mortelle Randonnée (Claude Miller). En 1987, un ancien admirateur inattendu, le Danois Gabriel Axel, l'appelle pour Le Festin de Babette, conte délicieux et succès mondial, où elle fait des merveilles en cuisinière généreuse dans un univers austère. Au menu : soupe à la tortue, blinis Demidoff, cailles en sarcophage, le tout arrosé de clos-vougeot.
     
    Un concentré de son raffinement. Puis on l'a revue dans un très bon cru teinté de mélancolie, signé par son ex-mari, Betty. A propos de prénom, le sien était pour le moins déconcertant. Versaillaise née Colette Dacheville, elle avait choisi « Stéphane » pour la scène, sans jamais avoir donné d'explication claire à ce sujet. Cela participait à son aura. Comme si cet attribut masculin n'était là que pour
    masquer sa féminité pulpeuse, sa langueur enjôleuse.
     
    Jacques Morice - Télérama
     

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