Le veilleur<o:p></o:p>
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Pour sa première mission, Oonaght, jeune mage fraîchement diplômé, navait pas été gâté.
Du moins le pensait il. Certes, la jeune fille était jolie, très jolie même..., Mais tellement naïve... Si souvent dans la lune. Elle vivait avec Cendrillon, Blanche Neige, rêvant comme elles du prince charmant .
Quelle poisse ! Mais pourquoi donc, Le Veilleur l'avait il embarqué dans cette galère ! <o:p></o:p>
<o:p> A sa sortie de l'école</o:p>, le maître l'avait convoqué.<o:p></o:p>
<o:p> </o:p><o:p></o:p>- Jai suivi tes études, avait il dit. Tu es sensible et intelligent Oonaght. Certes, tu manques encore de confiance en toi mais quoi de plus normal à ton âge. Dautres élèves de ta promotion, trop imbus deux-mêmes et trop confiants dans leur nouveau statut, vont s'apercevoir très vite quils leur reste tout à apprendre. Rien de tel que l'école de la vie. Je t'ai réservé un apprentissage qui devrait te convenir. Aprés concertatioon avec tes professeurs, nous avons décidé de te placer auprès dune jeune personne innocente, mais qui promet beaucoup. Elle a du caractère, mais elle l'ignore encore. Comme tu as dû t'en apercevoir elle rêve énormément, et tu devras l'aider à canaliser ses rêves. En la suivant je pense que tu apprendras delle autant je pense quelle apprendra de toi. Va maintenant, je compte sur toi.
Cest pour cette raison quil avait demandé au Veilleur de le recevoir.<o:p></o:p>
- Elle est sans cesse amoureuse, dit-il <o:p></o:p>
- Hé bien, cest plutôt une bonne chose non ?<o:p></o:p>
<o:p></o:p>- Oui. Mais dans son cas, ça me fait un peu peur <o:p></o:p>
<o:p> </o:p><o:p></o:p>- Pourquoi ?<o:p></o:p>
- Elle est si exaltée, elle a tellement envie dy croire, à chaque fois....<o:p></o:p>
<o:p></o:p>- Aimer n'est jamais une chose simple Oonaght. Mais tu comprendras un jour que l'amour est à chaque fois, un cadeau du ciel. Souvent décevant, je te l'accorde, dans la durée, il n'en reste pas moins quune vie sans rêve et sans amour serait bien terne et ennuyeuse. Cest l'amour qui permet de grandir. Et même si l'on se blesse à son contact, on en sort toujours plus fort. Mais il est vrai que parfois, certains humains, profondément meurtris, ne parviennent pas à se relever et deviennent aigris. Tu n'auras pas que des succès dans tes missions successives, nous en sommes bien conscients. Mais cest ainsi que, toi aussi, tu apprendras. <o:p></o:p>
- Certes, mais vous savez mieux que moi, maître, que mes pouvoirs sont limités. Je ne peux pas changer les êtres, ni les évènements. Je dois composer avec le destin. M'adapter. Et en matière de passion, damour, de désir, le destin est souvent capricieux, difficile à prévoir.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>- L'école est finie Oogonath ! Et la fin de toute scolarité, cest le début de la véritable connaissance. Il est temps pour toi de te pencher au dehors de tes études. De te frotter à la réalité du monde des humains. Tu as acquis, comme tes camarades, la possibilité de voyager à ta guise dans leur imaginaire et d'y guider ceux que tu protèges. Mais, tes maîtres ont du te le répéter souvent. Les humains n'ont pas souvent de boussole. A toi de leur prendre la main et de tassurer du chemin. Tu peux, par le biais des rêves, atténuer certaines conséquences fâcheuses, ou embellir davantage ce qui te paraît sombre. Le pouvoir que tu as reçu qui te donne une certaine maîtrise nest pas dérisoire. Tu t'en rendras compte lorsque tu l'utiliseras. Dans limmédiat, reste éveillé. Sois vigilant et ninterviens que si tu es sur d'agir pour le bien de ta jeune protégée.<o:p></o:p>
- Cest la chose la plus difficile. On nest jamais vraiment sûr.<o:p></o:p>
- Je sais. Mais si je t'ai choisi, toi qui doutes de tes capacités, c'est justement parce que je sais que tu seras prudent et attentif. Je te l'ai dit, cette jeune fille te surprendra. Aie confiance en moi, à défaut davoir confiance en toi. Nous aurons loccasion de refaire dautres mises au point ensemble, si tu le désires. Il est encore trop tôt pour envisager quoi que ce soit. En attendant, réjouis toi avec elle si elle est heureuse. Accompagne là. Et tiens moi au courant.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Cette nuit là, Oonaght tenta dintervenir. Ce garçon, dont Melissa était amoureuse en ce moment ne lui plaisait pas. A coup sûr, elle serait encore déçue. Combien en faudrait il encore ? Il ne pensait quà samuser ce type, mais il était malin et beau parleur. Melyssa s'y accrochait beaucoup plus qu'aux autres. Petit séducteur au visage avenant, le jeune homme butinait les jeunes filles comme un papillon passe de fleur en fleur sans jamais se fixer. Et Melyssa, bien entendu toujours aussi aveugle, ne s'apercevait de rien. Combien de temps encore habiterait-elle au pays des merveilles ?...
Mélyssa ?... De la personnalité ? Mais où donc le veilleur avait-il trouvé cela ?<o:p></o:p>
Alors, pour une fois décidé, il la prit par la main et conduisit sa petite protégée dans la rue d'un village sans nom, jusquà une maison isolée, perdue sur une colline déserte. Le cher bien aimé, les yeux rouges de désir et le souffle court, batifolait à l'intérieur avec une de ses copines battant joyeusement des ailes.
Mélyssa commença à gémir dans son sommeil. Il n'osa pas insister et il se retira du songe qui allait virer au cauchemar. Il n'était quand même pas question de la rendre malheureuse. Il voulait juste lui ouvrir un peu les yeux. <o:p></o:p>
Le lendemain, Melyssa se réveilla morose. Et son humeur persista, dautant plus que son amoureux était parti pour quelques jours.
« Normal » pensa t-il, « Ce nétait quun rêve mais tu es bien fragile, petite fille » <o:p></o:p>
"Ils étaient assis dans l'herbe. Il se touchaient, s'embrassaient. Il faisait un temps magnofique et ils saimaient. Ils étaient faits l'un pour l'autre." Ainsi s'étiraient sans fin, les rêves de Mélyssa. <o:p></o:p>
<o:p></o:p>Oogonath ne doutait pas de la sincérité de la jeune fille, mais il connaissait, lui, les véritables sentiments du garçon, ou plutôt labsence de tout sentiment chez lui.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Que faire ? Melyssa paraissait si heureuse ! Sa mélancolie du matin se dissipait comme une brume légère dés l'apparition du bien aimé. De quel droit la priverait-il de ses illusions, même s'il en craignait la chute ?<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Du moins nen rajouterait-il pas. Il se contentait d'observer et de prendre son mal en patience. Pas la peine d'en reparler au Veilleur qui lui dirait encore d'attendre.... et de se réjouir ! Fallait pas charrier quand même ! Attendre, bon, il n'avait que cela à faire, mais se réjouir ? De quoi ? Du bonheur en papier de Melyssa ? Cétait ça son job ?<o:p></o:p>
Oonaght rongea son frein. La nuit, il laissait partir Melyssa dans ses promenades roses et sucrées, mais il s'ennuyait ferme. « Cest pas bon pour la santé le sucre à haute dose, ma chérie ! », ironisait-il pour lui-même en se gardant bien cependant de laisser filtrer ses sentiments dans le sommeil de sa protégée.<o:p></o:p>
Et il arriva ce qui devait arriver. Ce ne fut pas dans un rêve que Melyssa surprit son amoureux avec une de ses copines, mais bien, par hasard, dans la rue. Aucun doute nétait permis. Oogonath eut peur. Cela faisait longtemps quil savait que cela se terminerait ainsi mais tout de même. Anticiper un évènement malheureux et le voir se réaliser, ce nétait pas du tout pareil.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Melyssa sombra, après une violente colère, dans une mélancolie permanente et le jeune mage, triste pour elle de la voir dans cet état, dut cependant lutter dabord contre lui-même, honteux d'éprouver une certaine satisfaction devant le malheur de sa protégée.<o:p></o:p>
« Cest mieux ainsi non ? » se disait il, tour a tour satisfait et penaud. « Il n'y a pas mort d'homme à perdre ses illusions ! Et puis, je vais l'aider maintenant à sen remettre, puisque je suis là pour ça ! »
Quelle était jolie Melyssa, toute triste et désemparée ! « Mais pourquoi, bon dieu, la préférais-je ainsi ? Nétait elle pas aussi jolie lorsquelle était heureuse ? Je suis vraiment un sale égoïste ! Allez ! Ressaisis toi ! » <o:p></o:p>
Ainsi, chaque nuit, pendant plusieurs mois, Oonaght ne pensa plus quà une seule chose. Son travail. Il entreprit avec toute la force dont il se savait capable de guider sa petite amie dans son imaginaire à lui, particulièrement foisonnant. Délicatement, dés quelle fermait les yeux, il la prenait par la main et il lui racontait de merveilleuses histoires illustrées. <o:p></o:p>
Des histoires dans lesquelles les personnages n'en rajoutaient ni dans la bravoure ni dans l'héroïsme. Des histoires dans lesquelles les parfums savaient demeurer subtils et caressants. Des histoires dans lesquelles la beauté des décors navait plus rien du carton pâte.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Des histoires ou l'amour ne tombe plus du ciel mais se construit au contraire, pas à pas, comme une grande maison que l'on édifie en commençant par les fondations.<o:p></o:p>
Chaque matin, au réveil, le jeune mage se demandait étonné, d'où lui venait cette imagination débordante. Il inventait pour Melyssa des contes quil se prenait à aimer lui-même, au fur et à mesure quil les tissait patiemment dans les songes de la jeune fille.<o:p></o:p>
Peu à peu, la mélancolie de sa protégée, se fit plus douce, plus souriante, plus sereine. Sa distraction de petite fille disparut. Sa féminité s'affirma. Les traits délicats de son visage se détendirent. Reprenant goût à la vie, la mignonne jeune fille devint une belle jeune femme.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Elle s'allongeait souvent l'après midi, en hiver, sur un canapé, et au printemps dans l'herbe tendre du jardin, semblant inviter son compagnon invisible à reprendre ses merveilleux récits, sous ses paupières closes.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Et Oonaght, sans effort, inventait. Son imagination coulait comme une source intarissable. Et il était heureux et apaisé.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>Un jour, Melyssa rencontra son amoureux qui plaisantait avec ses copines. Quelle ne fut pas la surprise du jeune mage en la voyant éclater de rire avec ses camarades alors que celui ci tentait vainement de la reconquérir <o:p></o:p>
La bouche ouverte et les yeux ronds, il en resta perplexe.<o:p></o:p>
Il n'eut cependant pas l'occasion de méditer longuement sur ce fait car le Veilleur le convoqua.<o:p></o:p>
- Je pense que ta mission est terminée Oogonath lui dit le maître. Je suis très satisfait de toi. Mais pas du tout surpris. Comme je le pensais, tu as fait du bon travail. Melyssa n'a plus besoin de toi maintenant. Nous allons te trouver un nouveau protégé.
- Pourquoi dites vous que ma mission est terminée maître ? Melyssa se porte mieux, certes. Mais comment être sûr quelle est tirée daffaire ? Elle a perdu pas mal de ses illusions mais ses rêves sont encore fragiles, je le vois bien.<o:p></o:p>
- Ils se fortifieront. Tu as fait ce quil fallait pour cela. Tu as su éveiller ses véritables désirs, ajouta le veilleur en souriant. Elle confondra de moins en moins ses rêves avec ses illusions. Elle connaît maintenant ou se trouve la porte des songes que tu lui as ouverte, et si, au début elle est un peu perdue, cela passera bien vite, crois moi. <o:p></o:p>
- Bien, mon maître. Vous savez mieux que moi , conclut le jeune mage, tristement, en inclinant la tête en signe de respect.<o:p></o:p>
<o:p></o:p>- Exactement, mon jeune ami. Et puis, il convient de ne pas sattacher aux humains. Tu deviendras un grand mage. Peut être même quun jour, tu me succéderas. <o:p></o:p>
<o:p> </o:p><o:p></o:p> Il semblait à Melyssa quelle avait perdu quelque chose. Comme si une part delle-même sétait détachée et avait disparu.
Quelques temps après, cependant, elle ny pensa plus.<o:p></o:p>
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