• Serge G...

     

     
     
     

     

    Serge G…

     

    Serge G, c’était une enveloppe de bric et de broc, plaqué sur un squelette structuré et solide.


    Modelé par les coups reçus, trempé dans le vécu, façonné par la souffrance.


    Rigoureux l’homme ! Pointilleux à l’extrême.


    Exigeant, janséniste même, ainsi qu’il se définissait lui même, son apparente décontraction, son laisser aller, son cynisme, ses provocations criaient toutes le même message : « Si vous n’êtes pas capable de voir plus loin, passez votre chemin ! »


    « Ecce homo ! »


    C’est vrai. Si l’on ne faisait pas cet effort d’aller voir derrière les apparences, on ne pouvait qu’être scandalisé. Et, forcément, on détestait, on rejetait le personnage.


    Comme vous, je ne connais Gainsbourg que par l’image qu’il donnait à voir.


    Mais j’ai remarqué deux ou trois choses.


    Sa gestuelle d’abord. Une allure dégingandée mais des gestes éminemment ronds. Précieux… Regardez le bouger ses bras, en larges courbes maniérées, ou bien encore quand il porte son éternelle cigarette en bouche…. N’y voyez vous pas, comme moi, une façon aristocratique de se mouvoir ?


    Ensuite, alors qu’il n’est ni rasé ni peigné, qu’il paraît sale, j’ai senti beaucoup de pudeur, alors qu’il grimaçait, tentant de cacher, dans une sorte de demi sourire crispé, ses dents noires de nicotine.  


    Et enfin, bien sûr, un profond mal être. Toujours mal à l’aise, le mec ! A chacune de ses apparitions télévisuelles, ça crève les yeux. Comme Brel et Brassens, sur scène ou sur un plateau de télé, on avait chaque fois l’impression que ces hommes mourraient d’envie de se dissoudre. On aurait dit, en suivant le déplacement de leurs yeux très mobiles, qu’ils cherchaient affolés, quelque trou de souris.


    Et je crois, sincèrement, que c’est ce qu’aurait fini par faire Gainsbourg s’il n’avait pu inventer Gainsbarre.


    Je pense, oui, que c’est Gainsbarre qui a permis à Gainsbourg de supporter sa popularité.


    Gainsbarre… Provocateur. Souvent grossier, (à dessein je n’emploie pas le terme vulgarité car il désigne à mon sens toute autre chose que la grossièreté), mal rasé, le regard globuleux et parfois, libidineux, est ce ainsi que l’on se montre ? Est ce cela respecter le public ?


    Difficile à avaler…et donc à défendre !


    Et je sais que beaucoup n’en démordront pas…


    Mais permettez moi d’insister.


    Que préférez vous donc ? Quelqu’un qui se cache derrière un masque d’éducation et de courtoisie, qui est poli, bien habillé, qui se garde d’élever la voix, qui pratique avec talent la langue de bois, mais dont on subodore l’hypocrisie cachée ?


    Ou bien quelqu’un qui ose, mais que l’on sent pudique et faux dans la provocation, qui vous montre son malaise et vous met mal à l’aise, qui vous choque violemment, mais qui le sait et qui en rougit, dont on sent toute la souffrance intérieure et donc, la sincérité.


    Car c’est cela Gainsbarre ! Un écorché vif qui se la joue solide, qui, se croyant laid et non aimable, crache ses sentiments par crainte de se voir moqué. Qui préfère anticiper les rires, « partir de peur que le bonheur ne se sauve », qui en rajoute un max, plutôt que d’apparaître nu, à l’écran.


    Qui, à votre avis, est le plus respectable ? Et qui vous respecte le plus ?


    Gainsbarre, ce double, comme il le définit lui-même… Nous en avons tous un. Sauf que lui, il l’affiche, il le met en avant, il en joue même, avec talent, si l’on regarde bien sous les bravades. Alors que nous, plus ou moins refoulés, nous le tenons caché, ce double souffreteux et malade qui nous fait peur.


    Et puis il a compris, l’artiste, que les esprits malsains préféraient, non pas le gentil petit Ginsburg chantant « le poinçonneur des lilas » mais bien le méchant Gainsbarre qui chante, allez, au hasard, « Je t’aime, moi non plus. »


    Mais quelle horreur ce type ! pensaient ils, pendant qu’il rigolait…


    Mister Hyde…Dr Jekill. Mais que pourrait bien faire ou dire, le gentil Dr Jekill dans les pages de Voici ou de Voila ? Entre Ginsburg et Gainsbarre, il y avait juste une chemise sale à la place du costume - cravate des débuts. Mais ça faisait toute la différence.


    Pour le spectacle !


    Mais pas pour lui.


    Il le dit encore lui-même. « Le masque a ensuite collé à ma peau ». Sauf que lui l’a toujours su. Il n’a jamais été dupe. Il ne s’est jamais confondu avec son double.


    Mais il a choisi leurs apparitions respectives. Pour nous, téléspectateurs distraits et donc aveugles, ce serait Gainsbarre, mais en privé, chez lui, à l’abri des regards indiscrets, ce serait toujours Ginsburg…


    On n’a eu de Gainsbourg que ce que nous méritions d’avoir.


    J’ai évoqué, dans un autre article, ce que Cyrano de Bergerac représentait pour moi. Je m’aperçois en me relisant que j’aurai pu écrire exactement la même chose à propos de Serge G.


    Sauf que : Chacun son style ! Son panache !


    Le dénominateur commun, c’est la sincérité.


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