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    Poussière d'étoile III

    IV

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    Julien ne manquait pas d’imagination et de nouveaux cahiers firent leur apparition dans les tiroirs.

    Piochant dans ses notes précédentes, il s’aperçut en travaillant ses petits textes qu’il prenait du plaisir à écrire, à raconter, se prenant même quelquefois à sourire de ses trouvailles.

    Se couchant tard le soir, la plupart du temps épuisé, il s’endormait alors rapidement, d’un sommeil…sans rêves.

    Lorsqu’il annonça à son père qu’il avait commencé à écrire, et qu’il ne rêvait plus la nuit, celui-ci sourit  en le regardant par en dessous. Ils se promenèrent ensuite sur la plage, sans rien dire, jusqu’au soir.

    A partir de son vécu, au jour le jour, il se plût à modeler ses personnages en utilisant les petits travers de ses amis,
    ses rencontres agréables ou décevantes, ses flirts et leurs rebondissements inattendus.

    Ce faisant, il s'aperçut qu'il observait différemment son univers. Parlant peu et écoutant beaucoup les évènements de la journée se transformaient, le soir venu, en épisodes ludiques et farfelus.

    Le rôle du sorcier qui revenait si souvent dans ses rêves se précisa. Il en fit un personnage plein d’humour, qui s’amusait à perturber les évènements et les hommes qu’il rencontrait. Dépourvu de méchanceté mais toujours facétieux, il chamboulait les situations, inversait les rôles, enlevait ou posait des masques, étirant à son gré et selon son humeur, la farandole des jours, souvent absurde, anodine, ou dénuée de sens.

    Parallèlement, Julien poursuivait ses études. Après avoir obtenu sa maîtrise, puis le concours du CAPES, il fut nommé professeur de littérature dans un collège du Nord de la France, loin de chez lui.

    Mais l’enseignement tel qu’il le concevait fur rapidement mis à mal. En fait de partage, d’enthousiasme, il se retrouvait  face à des élèves, pour la plupart moroses ou indisciplinés. Comprenant très vite que les gamins avaient d’autres soucis en tête que les poèmes de Lamartine ou de Rimbaud, il tenta de pénétrer dans leur vécu et comprit qu’il était loin du compte.

    Confronté trop souvent à des problèmes insolubles, il sentait petit à petit le découragement l’envahir. Comprendre, oui, mais constater en même temps son impuissance, le déprimait.

    Trop de choses lui échappaient, ne dépendaient pas de lui. Il se rendit trés vite compte qu’il n’avait de pouvoir sur les évènements que le soir, dans sa chambre, en trempant sa plume  dans l’imaginaire.

    Le sorcier facétieux gommait les doutes, redressait les situations sans issue, agissait à défaut de comprendre.

    Et puis dans l'imaginaire les erreurs pouvaient se réparer. On pouvait revenir en arrière. Julien profitait de cet avantage de la fiction pour rebondir dans des directions inattendues qu'il n'aurait pas pu concevoir dans la réalité.

    Mais surtout, ce travail d’écriture l’aidait à ne pas rejoindre le clan des défaitistes et des blasés.

    « Dans les rêves, les solutions existent… Par l’imagination, on change le monde... »

    Il se leva en s'étirant de sa table de travail. Accoudé à la fenêtre il suivit des yeux un moment, les gros nuages noirs qui obscurcissaient le ciel. « Pas d’étoiles cette nuit, pensa t-il. Pluie probable, encore, demain…»

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