• Marine 3 Incorrigible rêveur...

     
     
     
     
     
     

    Incorrigible rêveur…

     

    Je n’ai jamais véritablement déserté le pays de mon enfance.


    Je l’ai cru, mais je me trompais.


    J’ai fait des infidélités à Marine, qui m’avait laissé partir de l’Altheiros, mais à travers tous les visages de femmes qu’ensuite j’ai croisé, caressé, aimé, il y a toujours eu en chacune d’elles, un peu de mon elfe blanc.


    Soit un œil qui devenait humide ou brillant, soit une main compatissante qui se posait sur la mienne, soit une certaine démarche, assurée et féline, qui me rappelait mon amie...


    « Jamais de la vie, on ne l’oubliera, la première fille qu’on a pris dans ses bras… » chantait mon gentil tonton… Tu as raison Georges, on ne l’oublie pas.


    Le souvenir de mon elfe blanc, avec qui j’avais passé les plus beaux moments de mes jeunes années, m’a suivi partout et ce soir, ne sachant trop vers qui me tourner pour partager ma peine, tout naturellement, je suis allé frapper à la porte de mes rêves…


    J’ai attendu longtemps, dans le couloir sombre, de mériter d’entrer. Je savais que ce serait difficile car venir triste et désemparé dans l’Altheiros est une hérésie.


    Je craignais d’assombrir par mon humeur maussade, ce lieu paradisiaque ou tout incite au calme, à la joie, et à la sérénité.


    Mais je n’avais pas le choix, je n’avais aucun endroit ou me réfugier.


    Quand une main s’est posée sur ma nuque, j’ai sursauté et je l’ai reconnue.


    - Gilles, mon bébé, c’est toi ?


    - Marine ? C’est toi ? Tu es venue ?


    - Qu’attends tu là, dans le froid et la nuit ? Viens entre !


    - Je peux ? Tu veux bien ?


    - Mais bien sûr voyons, tu es ici chez toi, tu as oublié ?


    - Non, bien sûr que non ! Mais je n’en suis plus digne…


    - Ne dis pas de bêtises ! Viens, allons parler un peu tous les deux.


    La porte s’est ouverte sans bruit et j’ai suivi Marine dans l’Altheiros. Le crépuscule descendait dans la vallée. Les ombres s’étiraient, jouant avec les branches des arbres, dans un fond de brise vespéral. J’avais oublié combien les soirées ici sont douces et parfumées…


    - Veux tu que nous montions dans ce chêne, ou préfères tu t’asseoir à sa base ?


    - Je crois que je préfère m’asseoir. Je n’ai plus la force de grimper aux arbres…


    - Allons donc ! Faut il que tu sois mal en toi-même, pour oublier à ce point qu’ici tout est possible. Et qu’il suffit de vouloir…


    - Oui, c’est vrai !... Tu vois, même prés de toi, en ce lieu magique, je ne parviens pas à oublier.


    - Raconte moi ce qui t’arrive. Comme avant. Comme quand tu étais gosse et que tu m’avais raconté la mer ... Ça fait du bien de parler.


    - Oui, surtout à toi, ma douce, ma tendre, ma fidèle amie. Toi que j’ai aimé dés que je t’ai vue et que j’aime encore plus que tout au monde…


    - Tsssssss ! Gilles. Ne dis pas de sottises ! J’ai 4852 ans de plus que toi ! Dis moi plutôt pourquoi tu es revenu.


    - Je croyais avec le temps, être devenu sage, Marine. Je croyais être fort. Du moins suffisamment. Je croyais avoir suffisamment appris pour me penser à l’abri des coups.

    J’ai donc ouvert l’armure. J’ai fait comme si je n’avais rien à craindre. J’ai joué… J’ai laissé la bride sur le cou à mon désir, j’ai abandonné toute vigilance. Et donc, comme c’était prévisible, j’ai perdu, et je suis tombé…


    - Une femme ?  N’est ce pas ?


    - Bien sûr, Marine. Que veux tu que ce soit d’autre ? Qu’est ce qui pourrait me faire encore rêver, larguer les amarres, si ce n’est la beauté et l’amour ?


    - Alors ce n’est pas bien grave, Gilles ! Un mauvais moment à passer. Tu le sais aussi bien que moi, au fond. Tu n’es pas homme à te laisser aller.


    - Oui, tu as raison, bien sûr…Mais pourquoi cet abandon aux sentiments, brusquement ? que m’est il arrivé ? Cela ne me ressemble pas ! Je suis extrêmement prudent d’ordinaire… Misanthrope, lucide, prévoyant ! Je me croyais pourtant bien à l’abri des illusions…


    - Bah ! Tu es comme tout le monde ! Tu as péché par orgueil…Les humains se croient forts alors qu’ils sont si faibles. Ils ne tiennent jamais longtemps debout sur leurs jambes, ils n’arrêtent pas de tomber. Et ils tombent parce qu’à peine savent ils marcher qu’ils ne pensent qu’à s’envoler…Le plus souvent possible, le plus vite possible et parfois très haut, beaucoup trop haut.


    Mais c’est sans doute normal. Votre vie est courte. Vous avez un problème avec le temps… Enfants et adolescents, vous pensez vivre éternellement, alors vous gaspillez. Quand vous prenez de l’âge, un sentiment d’urgence s’empare de vous, qui vous pousse à prendre des risques inconsidérés pour grappiller encore quelques bons moments. Et entre les deux, vous vivez à l’intérieur des barricades que vous avez érigées pour vous protéger, ou vous faites n’importe quoi. Du moins toi, Gilles. Je te connais bien tu sais. Nous avons passé ensemble les années les plus importantes de ta vie. Tes années d’innocence, les années où on se livre complètement, sans retenue. Je t’ai vue en devenir, tu le sais. Je connais ton ultra sensibilité Gilles. Je l’ai beaucoup aimée, mais je savais aussi qu’elle serait à la fois ta force et ta faiblesse.


    Ici, dans l’Altheiros, chaque  enfant qui nous quitte est aussitôt remplacé. Je suis sans cesse entouré d'enfants. Chacun est unique. Chacun est pur et nous quitte plein d’espoir. Mais peu d’entre eux reviennent comme toi, ce soir. Toi, tu as gardé une forme de pureté inaltérable. Tu n’es pas parvenu à te blinder complètement. Tu as cru y parvenir. D’où ton désarroi ce soir en constatant qu’il n’en était rien. Encore un tour de ta sensibilité. Ça fait mal, mais c’est la meilleure part de l’homme. C’est ce qui vous rend attachant. C’est ce qui fait que je vous aime. Votre sensibilité vous aide à grandir, mais chaque centimètre qu’elle vous octroie, elle vous le fait payer au prix fort. On ne  garde pas un part d’enfance en soi, sans souffrir.


    J’étais bien avec toi Gilles. Nous avons passé de merveilleux moments. Je t’ai aimé et je t’aime toujours. Ne t’en fais pas. Je suis là. Je serai toujours là pour toi. Il te suffira simplement de fermer les yeux et tu me trouveras à tes côtés.


    Mais pour l’instant, pose ta tête sur mes genoux, allonge toi dans l’herbe et ne penses plus à rien.


    Marine me caressa longuement les cheveux qui, de blanc s’assombrirent un peu. Mes traits se détendirent. Je me laissais ainsi bercer par ma compagne, une fois de plus, venue à ma rescousse, à mon appel.


    Quand je me suis réveillé, le couloir était de nouveau sombre et je savais que dehors, il pleuvait toujours…


    Mais je savais aussi que je reviendrai.


    D’ailleurs était je vraiment, un jour, parti ?



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