La valse des mots

 

Chaque jour que Dieu fait, je tartine de mots, mes carnets sandwich...

J'ai grand plaisir à les choisir, à les manipuler, à les goûter, à tester des mélanges...

J'observe les changements de couleur, selon mon humeur et selon les saisons...

Je les sens frileux quand le froid me gagne, ou au contraire exubérants aux premiers rayons du soleil...

Ils gigotent, se snobent, s'ignorent, se méprisent, se reconnaissent, se débattent, jouent des coudes, pour passer les premiers...

Parfois ils me fatiguent...

Leur impatience, leur ronde folle, désordonnée et bourdonnante m'épuise, me donne le tournis. Je tente alors de les ignorer, mais je n'y parviens pas.

Les mots sont nombrilistes !

Égocentriques ! Jaloux les uns des autres !

Ils peuvent se montrer désagréables se collant talors les uns aux autres n'importe comment, sans pudeur ni souci d'harmonie où de bienséance.

Mais lorsqu'ils se donnent gentiment la main, qu'ils consentent à d s'aligner en phrases, ou mieux en beaux alexandrins, j'en reste chaque fois ébahi, émerveillé, ravi.

Quand les phrases deviennent paragraphes, quand les paragraphes s'étoffent en chapitres, quand les chapitres s'emboîtent aisément, quand le livre prend forme et qu'enfin, à la dernière page, je sens se relâcher ma vigilance, il n'existe pas de plus subtile sensation, de plus belle récompense que ce sentiment d'un travail accompli.

Et puis la musique des mots écrits s'éloigne doucement, et me voila de nouveau démuni et affamé, comme au premier jour...


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