• L'homme de Kaboul

    L'homme de kaboul
     
     
     
    Un excellent roman policier qui sort de l’ordinaire et que je recommande vivement
     
     
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    3 Extraits:
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    Oussama demanda à ce qu’on l’arrête au Shafakhana Emergency Hospital avant d’aller au bureau. Une foule furieuse se pressait dans le hall d’entrée. Un bus chargé de passagers s’était renversé dans un ravin, à l’entrée de Kaboul, il y avait une dizaines de morts et plus de cinquante blessés. Oussama avisa une femme allongée sur une civière, dans une mare de sang. Un homme, vraisemblablement son mari, criait à tue-tête.
    — Que se passe-t-il ? demanda Oussama à un témoin qu’il avait reconnu, un professeur de l’université de Kaboul.
    — Cette femme se vide de son sang, elle était dans le bus. Elle est en train de mourir, mais son mari ne veut pas qu’elle soit approchée par des infirmiers. On a trouvé deux infirmières à l’intérieur de l’hôpital, mais une autre famille les a empêchées de s’approcher, au prétexte qu’elles ne sont pas suffisamment voilées… Elles sont soi-disant allées mettre une burqa, mais ne reviennent pas. Oussama regarda la tache de sang qui s’agrandissait sous la civière. »… Après avoir rencontré la personne qu’il voulait voir, il vit en repartant que la civière où reposait la femme blessée quelques minutes plus tôt était recouverte d’un drap.
    — Que lui est-il arrivée ? demanda-t-il à un témoin bouleversé.
    — Elle s’est vidée de son sang, personne n’a pu se mettre d’accord sur qui pouvait la transporter…
    Le mari pleurait. Deux brancardiers apparurent, ils chargèrent la civière avec le cadavre et s’éloignèrent.
    — Vous laissez des hommes l’approcher, maintenant ? ne put s’empêcher de demanda Oussama au mari, dépassé par l’attitude de ce dernier.
    — Maintenant, elle est morte, ce n’est pas grave qu’un homme l’approche, répliqua l’homme entre deux sanglots.
     
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    « En politique, mieux vaut la moitié de quelque chose que la totalité de rien. Quel que soit le pays, les réformes ne sont pas faciles à faire accepter par l’opinion publique. Les rétrogrades sont toujours plus acharnés à les empêcher que les forces du progrès à les promouvoir, et ils souvent mieux organisés. Ce que l’on souhaite obtenir n’a aucune importance, dès lors que les chances d’aboutir sont nulles. En politique, seule compte l’efficacité : mieux vaut pas de discours et un petit mouvement dans le bon sens qu’un grand discours et pas de mouvement du tout. »
     
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    3
     
    — Et la fille ? dit soudain Oussama. Qu’en as-tu fait ?
    — Aller avec un nazaréen est un crime, c’est une vicieuse ! J’en ai parlé avec l’imam du village, et il a rendu sa décision, Allah u Akbar. C’est un homme sage, il sait lire et compter jusqu’à dix !
    — Qu’a-t-il décidé ?
    — L’imam dit que la fille a trahi l’islam et nos lois en sortant avec un homme sans son père ni son frère. Et que le Coran, notre saint Livre, interdit le mariage d’une musulmane avec un kâfir s’il ne s’est pas converti avant le mariage. La fille a commis les crimes les plus graves. Elle devait donc être punie.
    — Qu’avez-vous fait, pour l’amour de Dieu ?
    — L’imam a décidé dans sa grande sagesse que la fille devait signer un mariage musulman avant de mourir et satisfaire les guerriers qui se battent pour la charia et le saint Livre contre les kâfirs. Nous sommes trente guerriers, tous courageux, nous avons tous beaucoup donné pour Allah. La fille a été mariée à chacun de nous avant d’être punie selon le saint Livre.
    — Vous l’avez tous violée et lapidée ! s’exclama mollah Bakir, horrifié.
    — Pas violée, mollah, consommée, selon les règles de l’islam, qu’Allah soit loué, elle y a pris beaucoup de plaisir. Nous sommes tous vigoureux. J’ai consommé mon mariage le premier, hier en début d’après-midi, et encore avant la prière de cinq heures, et encore après la prière. J’ai consommé mon mariage toute la soirée, Allah m’est témoin que la santé était avec moi, j’étais fort comme un taureau. Puis Abdul a consommé, et Muhammad après lui, et Hazrat après Muhammad, et Younous après Muhammad. Toute la nuit. Abdullah, Zalmay, Bismullah, Wahid, Sebghatollah, Jarollah, Zarar… tous l’ont honorée de leur ferveur, et Allah m’est témoin qu’elle était grande. Peut-être que la fille n’a pas encore été lapidée, peut-être certains guerriers ont-ils mis du temps pour consommer leur mariage, eux aussi.
     
    Ils étaient abattus. Oussama avait connu des moments d’une violence extrême pendant la guerre, mais c’était la guerre, et Kaboul restait une grande ville, relativement civilisée. Ici, il prenait peu à peu conscience que son pays n’était pas ce qu’il avait cru ces derniers temps. Il avait vécu trop longtemps coupé de la réalité de l’Afghanistan profond. Ici, dans le Nouristan comme à Kandahar, aucune des règles auxquelles il croyait n’avait cours. Il pensa au combat de Malalai pour le droit des femmes. Elle n’y parviendrait jamais !
     
     
     
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