• Ils courent…mais après quoi ?


    Ils courent…mais après quoi ?

    <o:p> </o:p>

    Ils couraient, dans tous les sens… Partout, je voyais des gens courir. Droit devant eux, ou bien en rond, à reculons, en travers, ou à quatre pattes… Certains boitaient, d’autres rampaient. Personne ne tenait plus en place. Toute cette agitation devenait inquiétante. Je regardais fasciné et inquiet.

    <o:p></o:p>Les plus nombreux fonçaient en ligne droite, sans se poser de questions, la tête haute et le souffle court. J’ai bien tenté de savoir pourquoi mais je ne suis pas parvenu à les rattraper.

    <o:p></o:p>Celui qui tournait en rond et qui repassait régulièrement devant moi, jetait des regards angoissés à droite et à gauche, cherchant visiblement quelque chose qu’il redoutait… Je l’arrêtais.

    <o:p></o:p>- Vous n’êtes pas fatigué de tourner en rond. On n’arrive nulle part cela, non ?

    <o:p></o:p>- Je sais bien, dit il,  le visage angoissé. Mais j’hésite. Je ne m’en sors pas. Je ne sais quelle direction prendre. Avez-vous une idée ?

    <o:p></o:p>Il y a quelques temps, j’avais tenté de donner une réponse à l’un de ses semblables, j’avais  suggéré une direction possible, mais il était revenu, vite fait, me reprochant vertement de l’avoir induit en erreur. Je m’abstins donc de répondre.

    <o:p></o:p>Déçu, il est reparti, toujours inquiet, considérant que je n’avais rien à lui apporter.

    <o:p></o:p>Celui qui avançait à reculons m’expliqua ensuite qu’ainsi, paradoxalement, il avançait plus vite. …

    <o:p></o:p>Etonné, je lui demandais pourquoi.

    - Quand je regarde devant moi, tout me fait peur. J’ai l’impression de passer mon temps à éviter des pièges, de contourner des obstacles. Tous les détours que je suis obligé de faire me ralentissent. De cette façon, le paysage que contemplent mes yeux n’est plus dangereux puisqu’il se trouve derrière moi. Je ne ralentis pas sans cesse et je me régale en pensant à tout ce que j’ai évité...

    <o:p> </o:p>J’en restais bouche bée. « Mais ou vont-ils chercher tout ça » pensais-je…

    <o:p></o:p>Et celui là, qui marche en travers, quelle est donc sa motivation ?

    - En courant normalement, on rate beaucoup de choses, m’annonça t-il. Alors qu’en faisant un pas à droite, puis un pas à gauche, on peut espérer n’avoir rien oublié. Il n’y a qu’un seul inconvénient à mon système. C’est que la plupart du temps, il faut choisir son pas. Et cela me coûte. Terriblement. Souvent, les deux alternatives sont tentantes. Mais comme j’ai appris qu’on ne peut pas avoir en même temps le beurre et l’argent du beurre, alors je fais des choix. Mais ce ne sont pas souvent les meilleurs. Souvent, après, je regrette, mais c’est ainsi. Il ne m’est pas possible de faire autrement.

    <o:p></o:p>« Pas bête lui, mais éternel insatisfait. »  Bon, voyons plus loin…

    <o:p></o:p>- Et vous monsieur, pourquoi marchez vous à quatre pattes ?

    - Parce que je suis convaincu que c’est au niveau du sol, ou bien peut être sous terre, que se trouve ce que je cherche.

    - Et… puis-je savoir ce que vous  cherchez ?

    - Mais les traces, voyons ! Les traces !

    - Heu !... Quelles traces ?

    - Celles qui me donneront la voie à suivre, bien entendu. Jeune homme, nous ne sommes pas les premiers à arpenter notre bonne terre. Les anciens savaient. J’en suis convaincu. Alors je cherche ce qu’ils nous ont laissé.

    « Ma foi ! Pourquoi pas ? »

    Je me dirigeais vers un groupe d’hommes qui avançait péniblement, en boitillant. Certains plus que d’autres. Mais ils tentaient tous de rester ensemble, à la poursuite d’un peloton qui, inexorablement, gagnait du terrain.

    - Que vous est il arrivé ? demandais – je à l’homme de queue ?

    <o:p></o:p>- Rien de spécial, répondit celui ci. Je suis fatigué, c’est tout.

    - Reposez vous donc un moment ! proposai-je

    <o:p> </o:p>- Impossible !.. Je me ferai distancer.

    <o:p> </o:p>- Vous savez, ils repasseront forcément. Où voulez vous qu’ils aillent ?

    <o:p> </o:p>- Qu’en savez vous ? Et s’ils ne repassaient pas ? Si je me retrouvais seul et perdu ?

    <o:p> </o:p>- N’ayez crainte. Depuis le temps que je les observe, je les ai tous vu repasser par ici, plusieurs fois.

    <o:p> </o:p>- Vous me paraissez bien prétentieux, jeune homme !…On passe, on repasse mais il se peut qu’un jour, on ne repasse plus…

    <o:p> </o:p>- Oui… quand on est mort…

    <o:p> </o:p>- En voilà des manières !… Vous m’agacez jeune homme ! Passez donc votre chemin !…

    <o:p></o:p>« Chaque fois que je dis ce que je pense, je me fais rembarrer… Pourtant, bon dieu, je fais attention à ce que je dis ! Je donne simplement mon avis. Ce n’est pas interdit tout de même. Je n’insulte personne… Qu’ils sont susceptibles tous !  Quel vent de folie plane donc en ces lieux ?»

    <o:p></o:p>Enfin, un peu désespéré, je trouvais un peu plus loin un homme, assis sur un banc, penché en avant, les coudes sur les genoux et le menton dans ses mains. Il ne semblait ni perplexe, ni inquiet. Plein d’espoir, je m’assis prés de lui, pensant que j’allais peut être enfin apprendre quelque chose de nouveau. Les gens assis, en cette période d’agitation fébrile étaient rares et donc précieux.

    Cependant, voilà, je ne savais pas quoi dire. Par où commencer. Et l’homme assis ne semblait pas décider à ouvrir la bouche non plus. Nous restâmes un long moment ainsi, à regarder devant nous les gens qui couraient, n’osant pas, pour ma part, rompre un silence que, malgré mon insatiable curiosité, je respectais.

    Il m’était en effet difficile de demander : « Pourquoi êtes vous là, assis, sans rien faire ? Pourquoi ne courrez vous pas comme les autres, vous aussi ? » Difficile de demander à quelqu’un qui se conduit normalement pourquoi il agit ainsi…

    Comme s’il ne m’avait pas vu, l’homme se leva et partit. Je le regardais s’éloigner me disant…

    <o:p> </o:p>« Bah, peut être qu’il ne dit rien, parce qu’il n’en pense pas plus… Le silence n’est pas toujours une forme de sagesse. En tout cas, je n’en saurai rien. »

    <o:p> </o:p>Je me levais à mon tour et poursuivis ma route, pas plus avancé….

    Dur ! Dur ! de comprendre…

    <o:p> </o:p>
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