•  

    - Je vais te raconter l’histoire d’un petit chat. Un petit chat, comme les autres petits chats que tu connais. Mais celui là, il était très gentil et il écoutait tout le monde. Il était trés timide, peu sûr de lui, mais il était courageux. Alors, il a appris beaucoup de choses. Il s’est fait plein de copains et puis il a aussi rencontré des gens méchants. Maintenant écoute bien…


    Il était une fois...


    Un petit chat qui s’appelait Chikou…


    - Chikou  est né, derrière la décharge, vers la fin de l’hiver…<o:p></o:p>

    <o:p></o:p>

    - C’est quoi la décharge ?<o:p></o:p>

    - C’est comme derrière le village, sur la route qu’on prend quand on va chez papy, là ou on jette les poubelles. Si tu me coupes tout le temps, on n’ira pas bien loin ce soir, alors écoute bien… Chikou est né pas loin d’ici, derrière la décharge donc, où sa maman avait trouvé un abri pour qu’il puisse naître, lui et ses frères et sœurs, en toute sécurité.<o:p></o:p>

    Quand il est né, il était tout mouillé...<o:p></o:p>

    - Pourquoi ?<o:p></o:p>

    - Parce que les bébés, avant qu’ils naissent sont bien au chaud dans le ventre de leur maman et qu’ils flottent dans de l’eau tiède. Quand tu es né, tu étais tout mouillé toi aussi.<o:p></o:p>

    - Ah, bon ?<o:p></o:p>

    - Oui, mais écoute moi, et ne pose plus de questions sans quoi, je n’arriverai pas à raconter…<o:p></o:p>

    - Bon…d’accord….<o:p></o:p>

    - Donc, il était tout mouillé et sa maman, pour le sécher, le lécha longtemps ainsi que ses frères et sœurs…<o:p></o:p>

    - Il y avait beaucoup de frères et sœurs ?<o:p></o:p>

    - Pas beaucoup, non, seulement deux sœurs.<o:p></o:p>

    - C’est beaucoup quand même…<o:p></o:p>

    - Non pas tant que ça. Parfois les chats peuvent mettre au monde six ou sept petits chats…Les premières semaines furent calmes. Chikou  restait blotti avec ses deux sœurs dans la niche confortable et chaude et il attendait tranquillement que sa maman vienne lui donner la tétée.<o:p></o:p>

    Au bout de quelque temps, alors que ses soeurs dormaient, il pointa le museau hors du nid et huma l’air frais du dehors. Brrrrr, il faisait froid…il fit rapidement marche arrière mais comme il n’avait plus sommeil, il ressortit, décidé à élargir un  peu son horizon. Il s’enhardit doucement, en levant bien son petit museau pour respirer les odeurs afin de tenter de s’imprégner ce qui l’entourait. Puis, il fit quelques pas,  le nez collé au sol et continua d’avancer. Il s’arrêtait souvent pour se repérer car cet espace inconnu lui faisait un peu peur. L’instinct des animaux - et celui des félins en particulier - est ainsi fait qu’ils naissent méfiants et ne se sentent en sécurité que lorsqu’ils ont exploré à fond leur univers. <o:p></o:p>

    Soudain, il entendit un bruit insolite…Chikou, se raidit sur ses pattes, aux aguets. Une sorte de  grattement, sur sa gauche… Prudemment il se dirigea vers la source du bruit. Il  vit alors un petit animal qui grattait le sol à toute vitesse avec ses pattes de devant. Il n’avait pas senti sa présence et semblait très absorbé par son activité. Puis, brusquement il fit volte face et, en une fraction de seconde, il disparut. Chikou se lança à sa poursuite. Par deux fois il crut l’apercevoir, mais la bestiole courrait vite. Environ vingt minutes plus tard il s’arrêta, l’ayant définitivement perdue. Puis, il se rendit très vite compte qu’il était perdu, lui aussi. Sa course folle pour suivre le petit animal l’avait empêché de se repérer et il ne savait plus très bien où il se trouvait

    Hésitant sur la direction à prendre il marcha un moment, sans trop savoir s’il allait dans la bonne direction, quand, brusquement, il s’arrêta net.<o:p></o:p>

    Pas loin de lui il vit deux grosses bêtes toutes noires, le poil brillant et raide, dont le corps trapu se prolongeait d'une longue queue effilée.<o:p></o:p>

    Elles lui tournaient le dos et  dévoraient quelques déchets savoureux sur un monticule de la décharge.<o:p></o:p>

    Se retournant brusquement, l’une d'elles le vit et planta ses deux yeux noirs comme la nuit, dans ses yeux.<o:p></o:p>

    Son compagnon, alerté se retourna aussi. Chikou eut très peur.<o:p></o:p>

    Sans prévenir, ils se ruèrent sur lui et le chaton prit ses jambes à son cou. Malheureusement,  il  ne courrait pas assez vite et le danger se rapprochait très vite...<o:p></o:p>

    Il n’allait pas tarder à être rejoint quand il entendit juste derrière lui un miaulement féroce suivi d’un couinement douloureux.<o:p></o:p>

    Trop effrayé pour se retourner, il poursuivit sa course. Enfin, n’entendant plus rien derrière lui, il s’arrêta et se retourna. Personne…Il revint très lentement sur ses pas  et découvrit  un gros chat noir qui dévorait une des bêtes qui, tout à l’heure, le poursuivait. Le gros chat noir, interrompant son repas, leva les yeux et dit :<o:p></o:p>

    - Que veux tu ?<o:p></o:p>

    - Vous l’avez tué ?<o:p></o:p>

    - Evidemment ! Allez dégage !…<o:p></o:p>

    - Je voulais vous dire merci…<o:p></o:p>

    - De quoi ?<o:p></o:p>

    - De m’avoir sauvé. Sans vous, je serais déjà mort…<o:p></o:p>

    - Ah bon !…pourquoi ?<o:p></o:p>

    - Ces deux grosses bêtes me poursuivaient et…<o:p></o:p>

    - Ces deux rats ?<o:p></o:p>

    - Heu, oui…<o:p></o:p>

    - J’ai pu tuer celui là, mais l’autre s’est enfui sans demander son reste...<o:p></o:p>

    - En tout cas, merci !<o:p></o:p>

    - Je ne t’avais pas vu. J’avais repéré les deux rats, c’est tout. Maintenant dégage, tu m’empêches de manger.<o:p></o:p>

    - Vous habitez dans la décharge ?<o:p></o:p>

     - Evidemment ! Idiot… Mais... tu es bien petit pour te promener tout seul…<o:p></o:p>

    - Je me suis perdu… Je voudrais bien retrouver ma maman…<o:p></o:p>

    - Elle ne doit pas être bien loin. Elle doit te chercher…<o:p></o:p>

    - Vous croyez ?<o:p></o:p>

    - Oui ! Et  maintenant va t en ! Et fais attention, ya plein de rats par ici… Et des méchants !…ils ne feraient qu’une seule bouchée de ta petite carcasse….<o:p></o:p>

    Chikou se retourna et partit. Il ne savait pas trop où aller…Il erra un long moment dans la décharge, mais, heureusement, il ne rencontra pas d’autres rats..<o:p></o:p>

    Il entendit, pas très loin de lui, un miaulement qui lui sembla familier. Brusquement, il se sentit happé par le cou et se figea. <o:p></o:p>

    Emporté comme un baluchon, sa mère, le ramena rapidement au gîte qui n'était pas bien loin, et le laissa tomber, sans ménagement, sur le sol, prés de ses deux sœurs endormies.<o:p></o:p>

     Sans dire un mot elle se coucha prés d’eux.<o:p></o:p>

     --------------------<o:p></o:p>

    Cela faisait maintenant quatre jours qu’ils étaient seuls, ses soeurs et lui. Leur maman ne revenait pas. Ils avaient faim, mais Chikou hésitait à remettre le nez dehors. Ses deux sœurs, maigrichonnes, miaulaient doucement et il ne savait pas quoi faire. Pourtant, il fallait agir car l’une d’elles semblait très mal en point. Attendre encore n’était plus possible. Timidement il se risqua à l’extérieur. Tout semblait tranquille. La nuit venait de tomber, c’était le moment idéal pour tenter de trouver de quoi manger un peu.<o:p></o:p>

    L’image des rats et de leurs museaux pointus qui couraient plus vite que lui remonta à  sa mémoire. Et ce gros chat qui  lui avait dit qu’ils étaient nombreux dans la décharge… Un frisson parcourut son échine et il trottina rapidement vers la bordure grillagée qu’il apercevait, droit devant lui. Tant pis pour le repérage…d’abord quitter au plus vite ce lieu dangereux…<o:p></o:p>

    Il longea un moment la clôture et ne tarda pas à repérer un trou à sa base, par lequel il se faufila. Quelques mètres encore et il serait dans le fossé qui borde la route. Il suivrait celle-ci afin de voir ou elle menait et on verrait bien…<o:p></o:p>

    Il fallait trouver quelque chose à manger. <o:p></o:p>

    -  Salut !<o:p></o:p>

    Chikou tressaillit et fit un bond sur le coté. En face de lui, un jeune chat, la tête penchée sur le coté, le regardait sans agressivité. Ne sentant aucune menace dans ses yeux vifs, Chikou, rassuré, répondit :<o:p></o:p>

    - Salut…<o:p></o:p>

    - Je ne t’ai jamais vu dans le coin. Tu as faim ?<o:p></o:p>

    - Oui, un peu.<o:p></o:p>

    - Alors viens avec moi !<o:p></o:p>

    Tournant les talons, il traversa la route et partit  vers le pré qui s’étendait devant lui. Chikou hésita un moment mais, n’ayant rien de plus urgent à faire, il se décida à le suivre…<o:p></o:p>

    Vu de dos, son compagnon n’avait pas l’air très en forme. Il était plutôt maigrelet mais il trottinait d’un bon pas quand soudain, il se figea. Chikou faillit se cogner à son postérieur.<o:p></o:p>

    - Attends deux secondes ! dit le petit chat en regardant fixement devant lui. Ne bouge surtout pas !<o:p></o:p>

    Chikou obéit. Une minute plus tard, un grattement se fit entendre, dans l’herbe, à deux pas de leur position. Il aperçut alors le même petit animal qu’il avait vu dans la décharge, qu’il avait poursuivi et qui lui avait échappé sauf que là, devant eux, il y en avait plusieurs, au moins une dizaine de bestioles, qui furetaient dans tous les sens.<o:p></o:p>

    - C’est un nid de souris que j’ai repéré il y a trois nuits environ. Un excellent garde manger ! Elles sont nombreuses mais très craintives. Le moindre bruit les fait fuir et alors, adieu le repas !…murmura son compagnon à l’oreille de Chikou. Il faut qu’on s’organise. Tu vois la petite souris noire, un peu à l’écart…celle là c’est pour toi !… Moi, je me réserve celle qui mange, à sa gauche…Viens on va s’approcher…Mais doucement surtout, pas de bruit !<o:p></o:p>

    Cette précision était inutile. Chikou savait depuis l’autre soir, que le moindre bruit suffisait à faire décamper les souris.<o:p></o:p>

    Ils s’approchèrent cote à cote, centimètre par centimètre, le corps et le museau collé à terre, le regard fixé, chacun, sur sa proie.<o:p></o:p>

    - A trois, on fonce dit son compagnon. 1…2…<o:p></o:p>

    D’un bond fulgurant, Chikou se laissa tomber, toutes griffes dehors, sur la petite souris noire qui n’eut même pas le temps de pousser un cri. Par contre, la nuit fut soudain remplie de couinements apeurés qui se dispersèrent dans tous les sens.<o:p></o:p>

    Sous ses griffes, le petit animal ne bougeait plus. Chikou relâcha son emprise, et, d’un violent coup de reins, la petite souris s’échappa. Mais cette fois, Chikou ne se fit pas surprendre. Il lança ses deux pattes en avant et, dés qu’il entendit un petit cri, il enfonça ses dents derrière la tête de sa proie. Un petit craquement et puis, plus rien. C’était fini. Chikou venait de capturer et de tuer sa première petite souris. Il la regarda un instant, le ventre en l’air, et sa faim reparut, plus pressante.<o:p></o:p>

    Son compagnon, lui, mordait déjà à belles dents dans la sienne. Quand il eut terminé, il se lécha longuement les babines et regarda Chikou.<o:p></o:p>

    - Tu manges pas ? demanda t il, étonné…<o:p></o:p>

    - Mes deux sœurs ont faim elles aussi…<o:p></o:p>

    - Tes sœurs ?<o:p></o:p>

    - Oui, elles attendent, dans ma maison. Ma maman n’est pas revenue depuis quatre jours et on avait faim tous les trois. C’est pour cela que je suis sorti.<o:p></o:p>

    - Hum…bon, alors viens, on va s’éloigner d’ici. Dans un moment, qui risque d’être assez long, les souris reviendront. Elles n’ont pas le choix. Faut bien qu’elles mangent elles aussi. Alors on essaiera d’en attraper deux autres. N’oublie pas d’emmener ta souris…<o:p></o:p>

    Ils rejoignirent les taillis, un peu plus loin. Chikou déposa sa proie dans l’herbe et demanda :<o:p></o:p>

    - Pourquoi tu fais ça pour moi ?  Tu ne m’as jamais vu, tu ne sais même pas mon nom, ni moi le tien. Et pourtant tu m’aides…<o:p></o:p>

    - Je ne sais pas. Mon nom est Joss et j’habite dans la ville, pas loin d’ici. Je n’ai pas de maman. En fait je ne me souviens même pas d’en avoir eu une. J’ai rejoint une bande de collègues qui zonent dans une ruelle, derrière un restaurant. Ils sont tous costauds et jaloux de leur territoire, mais ils m’ont accepté… après que j’ai passé les tests... En fait, je n’ai pas vraiment de copains, seulement un vieux chat noir qui s’appelle Thoustra. C’est lui qui m’a appris le peu de choses que je sais, aujourd’hui... Il en sait des choses, Thoustra… Si tu veux, un jour, je t’emmènerai le voir. Et toi, comment tu t’appelles ?<o:p></o:p>

    - Chikou. Et mes deux sœurs s’appellent Leila et Basi. Nous, on ne sait rien et je serai content de venir voir tes amis…<o:p></o:p>

    - Mes amis ? Oui, enfin, à part Thoustra qui m’aime bien, ce ne sont pas vraiment des amis. C’est plutôt chacun pour soi, là bas…mais de temps en temps, on se file un coup de main. Bon, viens, on y retourne.<o:p></o:p>

    Ils firent demi tour vers le lieu de rendez vous des souris. Mais rien en vue. Aucun bruit. Ils se plaquèrent au sol et attendirent encore, un long moment, en silence.<o:p></o:p>

    La nuit, lentement, cédait la place à une nouvelle journée grise d’hiver. Un léger brouillard se levait, humide et glaçé.<o:p></o:p>

    Ils virent une petite souris s’approcher prudemment. Elle était minuscule et semblait très craintive, n’approchant qu’à pas lents, s’arrêtant sans cesse, le museau dressé, agitant ses petites moustaches.<o:p></o:p>

     Ils se regardèrent. Le jour allait bientôt apparaître, il fallait se décider car les souris ne sortiraient plus.<o:p></o:p>

    Ils pensèrent, au même moment,  la même chose… « Plutôt cela que rien… »<o:p></o:p>

    Ils bondirent ensemble et le petit animal ne sentit rien venir. Déjà, il se balançait dans la bouche de Joss et, tandis que Chikou récupérait sa capture précédente, ils se dépêchaient vers l’abri où attendaient, mourrant de faim, ses deux sœurs. <o:p></o:p>

    Mais, en pénétrant dans la tanière, un triste spectacle les attendait. Leila et Basi ne bougeaient plus.<o:p></o:p>

    Chikou, laissant tomber au sol la nourriture qu’il tenait dans sa bouche, se précipita vers Basi. Il lui lécha le museau, mais celle ci ne réagit pas.<o:p></o:p>

    Il fit de même, pour Leila qui ouvrit un œil mais le regard vide qu’elle lança à son frère semblait bien prés de s’éteindre. Chikou redoubla d’intensité, mouillant avec rage, le museau et le corps de sa sœur qui gémit faiblement.<o:p></o:p>

    « J’ai apporté de quoi manger » dit-il et il déposa la petite souris prés du museau de Leila. Elle tendit légèrement son petit cou mais aussitôt après elle ferma les yeux, épuisée.<o:p></o:p>

    Chikou recommença à lécher frénétiquement sa sœur. Enfin, découragé, il se coucha prés d’elle, son museau collé au sien.<o:p></o:p>

    Joss, laissa tomber sa souris devant lui et se coucha prés de l’entrée où il était resté. <o:p></o:p>

    Dehors, le brouillard épais s’étendait à perte de vue. Le froid piquant se glissait sournoisement dans la tanière. Les quatre petits chats, étendus sur la terre dure et gelée, immobiles et groupés, tentaient de se réchauffer.<o:p></o:p>

    La journée passa lentement, sans que Leila et Basi ne remuent. De temps en temps, Chikou ouvrait un œil et regardait sa sœur. Mais elle semblait ne plus vouloir se réveiller. La nuit étendit de nouveau son ombre sur eux et, au petit matin suivant, Joss se leva et regarda son nouveau copain.<o:p></o:p>

    - Il faut partir Chikou. Viens avec moi. Il n’y a plus rien à faire ici. Mais avant, mange un peu, tu dois reprendre des forces.<o:p></o:p>

    Et il poussa du museau, la petite souris morte vers son copain.<o:p></o:p>

    Chikou ne réagit pas et dit :<o:p></o:p>

    - Oui, partons ! C’est fini… et il se dirigea d’un pas lent vers la sortie.<o:p></o:p>

    Joss n’insista pas et le suivit à l’extérieur.<o:p></o:p>

    Le brouillard semblait moins épais que la veille mais le froid piquait toujours autant.<o:p></o:p>

    Alors, sans parler, Joss menant la marche, ils se dirigèrent vers la ville.<o:p></o:p>

     -------------------------------------------


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique