Echange autour d'un aphorisme…
"Aimer, c'est laisser libre"…
- "Aimer c'est laisser libre" ?
Non, c'est se retrouver prisonnier de souvenirs, bien plus douloureux. On ne se nourrit pas de souvenirs mais de la vie virevoltante et de l'insouciance, de la joie et des pleurs, des cris et des rires, des regards complices et des larmes qui brouillent la vue...
On se nourrit de l'autre comme la fauvette dans le nid du coucou....On vit de nos prisons et de nos jardins secrets, On s'aime en souhaitant que l'aube ne se lève pas pour rester sous les draps....
On se nourrit des hasards que la vie met sur notre route...car l'amour est comme la mer, il lui faut ses rivières....
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- Nous privilégions tous les deux l'émotion, le ressenti, mais contrairement à moi, tu ne vis pas dans la nostalgie. Tu te préfères éponge et, par boulimie d'action, tu as tendance à rechercher ce qui risque de te terrasser, parce que tu dois sentir intuitivement que tu t'en remettras et que, par conséquent, tu en sortiras plus forte.
Quand je dis qu'aimer c'est laisser libre, je parle évidemment de moi.
Contemplatif, observateur attentif de ce que je pense être la vie en mouvement je m'efforce de ne pas intervenir.
Je me tiens en retrait et je regarde fasciné les montées de sève qui partout magnifient, en même temps qu'elles les tordent, les corps dans lesquels elle coule.
Je vis dans des songes éveillés, et ainsi paradoxalement vécus, parce que suivis au plus près, on pourrait même dire, au fil du rasoir.
J'observe et j'éprouve en même temps une infinie tendresse pour les personnes, ( les personnages) qui construisent leur vécu, développent leur expérience, grâce ou à cause des coups qu'ils reçoivent.
Ils ne le font pas parce qu'ils aiment souffrir bien entendu, mais parce qu'ainsi, ils se sentent vivre, ils se sentent vivants.
Et cela me réjouit et m'attriste à la fois. Cela me réjouit parce que ces êtres "sont la vie" et qu'observer la vie c'est toujours merveilleux, mais cela m'attriste aussi parce qu'un coup est un coup et qu'il fait toujours mal quand on le reçoit en pleine figure.
Cette ambivalence, cette dualité, est pourtant nécessaire.
Aimer ne consiste donc pas pour moi à "protéger" ou a "éviter" mais au contraire à "laisser vivre" à ne pas intervenir car sans ces "fous de vie", l'existence serait bien aseptisée et bien trop monotone.
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