• CHIKOU - Chapitre V

     

    5<o:p></o:p>

    Paulo était devenu son copain. Chaque fois qu’il était de service au restaurant, le jeune garçon donnait à Chikou une pleine assiette de restes de viande mélangée à quelques miettes de thon, ou des talons de jambon, coupés fins. <o:p></o:p>

    Dés que la bande de chats affamés s’en était allée, repue, Chikou approchait et venait déguster les merveilleux cadeaux de Paulo. Et, quand il n’était pas là, Monty, le gros balourd, donnait aussi à Chikou son assiette réservée en disant « Tiens le chat ! De la part de Paulo. On peut dire que tu lui as tapé dans l’œil, toi… ».<o:p></o:p>

    Au début, Chikou s’était méfié. Il s’approchait doucement de la gamelle mais s’enfuyait très vite, à quelques pas, dés que Paulo faisait mine de vouloir le toucher.<o:p></o:p>

    Il regardait alors le jeune homme. Celui-ci posait son assiette devant lui et reculait,  souriant d’un air attendri, pendant que Chikou s’avançait pour dévorer son repas.<o:p></o:p>

    Puis, petit à petit, Chikou avait « toléré » que la main de Paulo passe une ou deux fois sur son dos.<o:p></o:p>

    Maintenant, plusieurs mois après son arrivée, Chikou était devenu, grâce aux bons soins de Paulo, un jeune chat plein de vigueur. Les muscles de son corps s’étaient déliés et, les jeux endiablés avec Joss et Manouche aidant, il avait acquis une force et une souplesse que pas mal des autres habitants de la zone lui enviaient et respectaient.<o:p></o:p>

    Ses craintes à l’égard de Paulo complètement dissipées, il ronronnait sous ses caresses. La première fois, ce bruit à l’intérieur de sa gorge l’avait étonné. Mais Melika lui avait expliqué qu’il n’y avait là rien d’anormal, que tous les félins ronronnent sous les caresses  des humains en qui ils ont confiance.<o:p></o:p>

    Chikou entretenait aussi très régulièrement son pelage, se léchant et se nettoyant plusieurs fois par jour, afin de garder ses poils soyeux et brillants.  Manouche se moquait gentiment de lui, mais Joss n’avait pas tardé à remarquer que la jeune chatte recherchait la compagnie de son copain…un peu trop souvent à son goût… Et il en était un peu jaloux…<o:p></o:p>

    Les jours passaient très vite. Chikou était heureux. Si l’on excepte quelques bagarres inévitables avec des collègues grincheux et prétentieux, quelques attaques de chiens, toujours aussi peu efficaces, la vie dans la zone ressemblait à un long fleuve tranquille.<o:p></o:p>

    Il s’était rendu plusieurs fois, seul, au « garde manger » de Joss pour rencontrer Zara.<o:p></o:p>

    Chaque fois que Joss l’invitait à s’y rendre avec lui, il esquivait la question prétextant la fatigue, ou le fait qu’il n’avait pas très faim. En règle générale, Joss n’insistait pas mais Chikou sentait bien qu’il se posait des questions et qu’un jour il devrait lui parler de ses rencontres avec Zara.<o:p></o:p>

    La petite souris avait expliqué à Chikou que l’antagonisme entre les chats et les souris était tellement ancien que personne, ni des chats, ni des souris ne pouvait dire à quand il remontait. Et que, par conséquent, il était très difficile de le combattre. Les chats adoraient s’amuser avec les souris et les manger ensuite. Chaque jour, Zara tentait d’expliquer à  sa petite bande d’écervelées qu’elles devraient s’unir et donner une leçon à ces imbéciles de chats qui ne savaient même pas pourquoi ils s’amusaient à les tuer une par une. Cela afin qu’ils prennent conscience de ce qu’ils faisaient, qu’ils se posent quelques questions sur leur attitude... Mais la peur, la frilosité, l’individualisme de ses compagnes et aussi, il faut bien le dire, le fait qu’elles se reproduisaient très vite et en abondance faisait que les discours de Zara restaient lettre morte.<o:p></o:p>

    - Tu comprends Chikou, mes sœurs m’écoutent parce que je suis la doyenne du groupe mais je vois bien qu’elles ne pensent qu’à survivre, au jour le jour. Elles ne font même plus de provisions de nourriture, au cas ou…C’est chacun pour soi. Une souris disparue aujourd’hui ? Dix vont naître demain, alors elles s’en foutent…Sortir du trou, se nourrir, se cacher. Et recommencer sans cesse… <o:p></o:p>

    - Tu sais Zara, chez nous, c’est un peu pareil. Chacun pour soi. Personne ne cherche à comprendre l’autre. A part Joss et Manouche que j’aime bien et qui m’écouteraient  peut être si je leur disais qu’il ne faut pas tuer les souris, les autres rigoleraient si j’évoquais le sujet.<o:p></o:p>

    Mais si quelqu’un peut comprendre le sens de tes paroles qui me paraissent justes, c’est Thoustra. Je ne l’ai plus revu car lui aussi est vieux et fatigué et il ne reçoit plus que sur rendez vous. Mais je parlerai avec lui dés que possible. Je veux savoir ce qu’il en pense. Et Sam aussi…Mais lui, c’est moins sur qu’il m’écoute. Il ne me parle pas.<o:p></o:p>

    - Tu es généreux Chikou. J’ai confiance en toi. Je sais que tu feras ton possible pour essayer de changer les mentalités autour de toi, afin que cessent ces pratiques imbéciles. Pour que nous puissions peut-être, un jour, communiquer entre nous. Que les différentes races se parlent et se rapprochent. Juste ça. Parler et écouter. Cela parait simple et pourtant c’est la chose la plus difficile qui soit si l’on en juge par le nombre d’individus qui s’ignorent et qui, même, se méprisent. La tache mérite pourtant qu’on y consacre son énergie, dans la mesure de ses possibilités. Pour ma part, je ne renonce pas. Je ne peux pas y renoncer.<o:p></o:p>

    Il y avait pourtant, déjà, un premier pas de fait. Et Zara le lui avait fait remarquer. Non seulement les petites souris du « garde manger » n’avaient plus peur quand Chikou  approchait, mais elles venaient le sentir et parfois le chatouiller un peu. Alors il posait sa patte sur la queue de l'impertinente et il la laissait se débattre quelques secondes avant de la relâcher. Mais il sentait bien que la petite souris prisonnière n’avait pas peur car ses petits cris n’avaient rien d’angoissé. Il voyait bien que, pour elle aussi, il ne s’agissait que d’un jeu.<o:p></o:p>

    - Tu vois, Chikou avait fait remarquer Zara. Ça commence comme ça, le dialogue entre les races. Simplement par une attitude amicale, dépourvue de méchanceté. Il suffit que quelqu’un le fasse, ce premier pas. Alors, les autres le reconnaissent et acceptent ce début d’échange. En fait, ce n’est pas bien difficile…Et c’est pourtant… si difficile…<o:p></o:p>

    Chaque fois qu’il quittait Zara pour revenir chez lui, dans la zone, son esprit fonctionnait à plein régime. Les idées se bousculaient dans sa tête et il atteignait la ville sans s’être aperçu du temps qu’il avait mis pour y parvenir.<o:p></o:p>

    « Comment faire ? Pourquoi, moi, je comprends et pas les autres ? Il faudra que j’en parle à Manouche. Elle m’aime bien. Elle m’écoutera. Mélika a vécu chez les humains. Elle comprend. Je lui demanderai son avis.  Joss ?... Je sais pas. Il aime tellement chasser les souris que ça va être dur de le convaincre d’arrêter... Et pourtant…je supporte de moins en moins ses invitations à venir avec lui chasser et il le voit bien. Un jour, c’est sur, il faudra que je lui explique…<o:p></o:p>

    Il me faut aussi l’avis de Thoustra. En fait, c’est à lui que je dois parler en premier parce qu’il me dira, lui,  si je peux en parler aux autres… Oui, c’est ça,  je dois d’abord en parler à Thoustra. »

    <o:p> </o:p>----------------------------------

    Thoustra reçut Chikou dix jours après sa demande de rendez vous. Le vieux sage dormait dans son coin favori, prés d’un tuyau de chauffage qui descendait d’une maison, au dessus de sa tanière.<o:p></o:p>

    - Bonjour Thoustra. Je viens en ami. Que ta sagesse me rende meilleur, dit Chikou, respectant la formule rituelle.<o:p></o:p>

     Thoustra ouvrit un œil sans relever la tête.<o:p></o:p>

    - C’est toi, Chikou ? Je suis content de te voir. Ça fait longtemps que tu n’étais pas venu me voir. Approche, viens t’asseoir prés de moi.<o:p></o:p>

    - Je ne voulais pas vous déranger. On me disait que vous étiez fatigué.<o:p></o:p>

    - C’est vrai. Le temps passe et mes vieux os me font mal. Je dors la plupart du temps. Mais la tête, ça va encore…<o:p></o:p>

    Le vieux chat  se mit péniblement debout, s’étira longuement en faisant la grimaçe, et s’assit.<o:p></o:p>

    - Alors Chikou, comment se passe ton séjour parmi nous ?<o:p></o:p>

    - Bien… Très bien même. J’ai rencontré plein de collègues. Joss est toujours mon copain et  Manouche également. J’ai aussi rencontré MeliKa et…<o:p></o:p>

    - Tu as rencontré Sam aussi ?<o:p></o:p>

    - Oui, une fois. Ensuite, nous nous sommes croisé quelquefois, mais il ne me parle pas. J’ai bien remarqué qu’il m’avait vu, mais il est passé sans s’arrêter.<o:p></o:p>

    - Et la fois ou il t’a parlé, je pense qu’il a du évoquer l’épreuve que tu devras passer ?<o:p></o:p>

    - Oui. Mais il m’a dit que j’étais trop jeune. Que pour l’instant je pouvais rester ici comme « invité »… Il a ajouté qu’on en reparlerait dans quelques mois.<o:p></o:p>

    - Alors, cela ne saurait tarder. Ça fait combien de temps que tu es ici maintenant ?<o:p></o:p>

    - Sept mois.<o:p></o:p>

    - Tu as grandi. Tu es devenu un beau chat tout en muscles et plein d’énergie. C’est bien. Mais dis moi,… J’ai vu, pendant que tu approchais de moi tout à l’heure, que les dernières pages de ton livre comportent beaucoup de points d’interrogation. Tu as des soucis Chikou ?<o:p></o:p>

    - Oui. En fait c’est pour cela que je voulais vous consulter. J’ai rencontré Zara…<o:p></o:p>

    - Zara….<o:p></o:p>

    - Oui, une souris qui habite avec ses sœurs dans la campagne, à la sortie de la ville. Joss appelle cet endroit son « garde manger ». La première  fois que nous y sommes allé c’était pour chercher à manger car…<o:p></o:p>

    - Je sais cela Chikou. Parle moi de ta rencontre avec cette souris.<o:p></o:p>

    - Et bien, comme j’allais lui sauter dessus, elle m’a arrêté et elle m’a dit que je n’étais pas comme les autres chats.<o:p></o:p>

    - Elle t’a dit cela ?<o:p></o:p>

    - Oui, j’étais très étonné. Puis nous sommes partis et quelques temps après je suis revenu, seul, la voir, comme elle m’avait demandé. Alors elle m’a parlé de la « communication » difficile entre les races et plus particulièrement entre les chats et les souris. Elle m’a dit que cela faisait tellement longtemps que les chats tuaient les souris… qu’il fallait que cela cesse, un jour, et que pour cela…<o:p></o:p>

    - Tiens, tiens… je n’avais pas vu cela. Il est vrai que je n’ai jeté qu’un petit coup d’œil dans ton livre quand tu es arrivé. Attends deux secondes que je le consulte à nouveau.<o:p></o:p>

    Thoustra ferma les yeux, les rouvrit, et le jaune de ses yeux devint brillant. Chikou ressentit dans son corps, en même temps que cet éclat, le petit courant d’air frais qui l’avait envahi la première fois.<o:p></o:p>

    - Oui… Je viens de découvrir page insolite... Plus épaisse que les autres, mais encore toute blanche. L’épaisseur de cette page, provoque dans ton livre… une perturbation... En fait, il s’ouvre sur cette page. Comme si cette page demandait à être consultée la première , alors qu’elle est blanche... Curieux !…J’avoue que je suis un peu perplexe. Il faudra que j’y pense. Mais continue ton histoire, Chikou, cela m’intéresse.<o:p></o:p>

    - Et bien, Zara voudrait, d’après ce que j’ai compris, que les chats et les souris…se parlent…Je ne sais pas trop comment parce que c’est difficile. C’est ce qu’elle dit. Je le comprends quand je pense à Joss par exemple qui n’admettrait pas d’arrêter de chasser les souris. Il adore ça et il trouve cela tout a fait normal. Zara voudrait pourtant que les chats arrêtent de tuer les souris. Elle dit qu’il n’y a aucune raison à cela. Que ce n’est pas parce que ça s’est toujours fait que c’est une bonne chose. Elle dit qu’il y a mieux à faire que de s’entretuer, que…<o:p></o:p>

    - D’où les nombreux points d’interrogation dans ton livre… Tu es troublé et tu te poses beaucoup de questions Chikou. Je t’écoute et je t’entends. Il se peut que cette page, plus épaisse, dans ton livre soit importante pour toi, désormais. En te parlant, Zara a imprégné ta chair et ton esprit de ses idées et, sans que tu t’en rendes vraiment compte, la page s’est épaissie bien qu’encore blanche… Epaisse, oui, sans doute, parce qu’un idéal, Chikou, est une grande chose….Mais j’en ai assez dit. Nous reverrons tout cela un jour,… peut être,… si je suis encore là…Pour l’instant, je pense que ta rencontre avec Zara est une bonne chose. Ce sera tout Chikou ?<o:p></o:p>

    - Heu, non... Mélika m’a parlé aussi de choses qui me paraissent rejoindre les paroles de Zara. Elle a évoqué la compréhension des mondes…de l’enrichissement que l’on en retire…Je suis un peu perdu Thoustra…

    - C’est normal Chikou. Tu es jeune et tu dois découvrir par toi-même toutes ces choses. Laisse ces idées évoluer lentement, à leur rythme, dans ton esprit. Vis, continue d’observer, continue à écouter. Et, si tu ne comprends pas, mets de coté. Un jour, tout deviendra plus clair. Il faut que cette page de ton livre commence à s’écrire, à se couvrir de signes. Ensuite, petit à petit, au fur et à mesure qu’elle se remplira, tu comprendras.

    - Je me demandais aussi si je pouvais en parler aux autres chats de la zone…pas à tous, bien sûr, car je sais qu’ils ne m’écouteraient pas, mais à Joss, à Manouche, à Melika, à Sam…<o:p></o:p>

    - Bien sûr que tu peux en parler Chikou. Il faut parler, c’est indispensable. Bon, Chikou, il faut que je dorme. Ta visite m’a fait plaisir. Il faudra qu’on se revoie pour parler de tout ça, mais aujourd’hui, je suis fatigué…<o:p></o:p>

    - Pardon Thoustra. Mais à qui croyez vous que je puisse en parler maintenant ? J’aimerai bien convaincre Joss pour qu’il ne chasse plus les souris…<o:p></o:p>

    - Et bien, parle lui… Fie toi à ton intuition Chikou. Et si tu te trompes, dis toi que les erreurs font partie de la vie. Une erreur n’est jamais grave si elle est involontaire et surtout si l’on sait ensuite en tirer les conséquences. A bientôt Chikou…Va, maintenant…<o:p></o:p>

    Thoustra tourna le dos, se remit en boule, et ferma les yeux. Chikou repartit doucement, un peu déçu de ne pas avoir obtenu de réponses claires mais, comme disait Joss, le vieux sage restait toujours un peu mystérieux. Il sentait cependant que les mots de Thoustra, ceux de Zara, ceux de Mélika faisaient, comme l’avait dit Thoustra, leur chemin dans sa tête, et qu’un jour peut être certaines réponses lui seraient données.<o:p></o:p>

     --------------------------------------------------------

    - Tu,..tu as parlé à…à une souris ?<o:p></o:p>

    Joss ouvrait de grands yeux, complètement ahuri par ce que venait de lui raconter Chikou.<o:p></o:p>

    - Non, pas exactement. Je viens de te le dire. C’est elle qui ma parlé en premier. <o:p></o:p>

    - C’est pas possible ! J’en reviens pas. Mais… jamais un chat n’a parlé avec une souris !<o:p></o:p>

    - Peut être bien,  mais c’est comme ça ! Et ce qu’elle m’a dit m’a intéressé.<o:p></o:p>

    - Incroyable ! Toi, mon meilleur copain ! Mais tu en as bouffé, des souris…<o:p></o:p>

    - Non ! Souviens toi. Je l’ai gardé pour mes sœurs…<o:p></o:p>

    - Oui, enfin, tu l’as tué quand même…<o:p></o:p>

    - Oui, mais par nécessité. Je n’ai ressenti aucun plaisir à faire cela. C’était juste une question de survie. C’est ce que m’a dit Zara.<o:p></o:p>

    - Mais pourquoi on ferait ami-ami avec les souris ?…On à quoi à y gagner ?<o:p></o:p>

    - A y gagner ? Mais rien ! Ce n’est pas le but…<o:p></o:p>

    - Et c’est quoi, le but ?<o:p></o:p>

    - Vivre ensemble, s’entendre, échanger… J’ai discuté avec Mélika. En me parlant des humains, elle a évoqué les différents mondes qui vivaient cote à cote sans chercher à se connaître. Elle m’a expliqué que comprendre les autres, qui vivent dans un monde différent du nôtre, c’est élargir son univers. Elle a même ajouté que cela nous « enrichissait » et elle a même dit, je m’en souviens, que Sam et Thoustra « faisait tout un fromage » de ces distinctions, qu’elles étaient importantes pour eux…<o:p></o:p>

    - T’en as parlé à Thoustra ?<o:p></o:p>

    - Oui. Je l’ai vu ce matin. Il m’a dit que Zara avait raison. Il pense que ce serait mieux pour tout le monde que les chats et les souris vivent ensemble sans ces tueries inutiles…<o:p></o:p>

    - Et beh, à mon avis, c’est pas demain la veille ! Et puis, moi, j’aime bien m’amuser avec les souris, même si les manger n’est pas toujours le but, c’est vrai…<o:p></o:p>

    - Mais moi aussi je m’amuse avec les souris. Seulement  elles jouent aussi avec moi. Ce n’est plus à sens unique. Toi, tu joues avec elles, mais elles non !<o:p></o:p>

    - Comment ça ?<o:p></o:p>

    - Toi, tu finis par les tuer. Pour les souris ce n’est donc pas un jeu. Elles ont compris que moi par contre, à la fin du jeu, je ne les tuerai pas. Qu’elles ne me serviraient pas de casse croûte et donc on joue à égalité…<o:p></o:p>

    - Tiens donc ! Et comment ont-elles compris ça ?<o:p></o:p>

    - Elles m’ont vu parler avec Zara, plusieurs fois. Elles ont bien vu que je ne « m’amusais » pas avec elles. Et elles ont bien vu aussi que je leur fichais la paix. Alors maintenant, je pense qu’elles ont confiance en moi.<o:p></o:p>

    - La belle affaire !... Les souris ont confiance en toi ! Tu es vraiment spécial tu sais ! Écoute je comprends rien et tu m’ennuies… Allez viens ! On va rejoindre Manouche. Elle a trouvé un truc bizarre et elle veut nous le montrer.<o:p></o:p>

    - Tu réfléchiras à ce que je viens de te dire ?<o:p></o:p>

    - Je sais pas. Oui… si j’ai le temps…allez viens…<o:p></o:p>

    Chikou n’insista pas et suivit son copain. En fait il se doutait bien que Joss résisterait. Il aimait tellement « jouer » avec les souris…Mais bon, il lui en avait parlé, c’était déjà ça, et il était content de voir que, malgré cela, ils restaient toujours bons amis…<o:p></o:p>

    C’était effectivement un truc bizarre qu’avait trouvé Manouche. Une sorte de planchette en bois avec un bout de fromage à son extrémité, planté dans une tige de fer.<o:p></o:p>

    - A votre avis, c’est quoi ? demanda Manouche quand ils furent prés d’elle.<o:p></o:p>

    - Je sais pas… répondit Joss. Jamais vu !<o:p></o:p>

    Manouche avança délicatement la patte pour toucher le bout de fromage… et Tac !...avec un petit bruit sec, un rectangle de fer monté sur un ressort se déclencha et emprisonna le bout de patte imprudent.<o:p></o:p>

    La jeune chatte poussa un cri de douleur, agitant violemment la planchette afin d’essayer de se dégager, les poils brusquement hérissés par la surprise.<o:p></o:p>

    Joss et Chikou avaient reculé d’un bond, ensemble en entendant le piége se refermer et ils regardaient Manouche se débattre, impuissants.<o:p></o:p>

    Les miaulements apeurés de la jeune chatte attirèrent rapidement des spectateurs, dont Sam qui se trouvaient parmi eux.<o:p></o:p>

    Il se précipita sur Manouche et l’immobilisa sous lui pendant que, de ses dents il tirait sur la planchette. Les miaulements de Manouche devenaient stridents et la planchette résistait…<o:p></o:p>

    - Mais aidez moi, vous autres ! cria Sam<o:p></o:p>

    Un gros chat gris vint alors à la rescousse et, tirant ensemble, ils parvinrent à arracher la planchette.<o:p></o:p>

    Sitôt libérée, Manouche se mit à se lécher furieusement. <o:p></o:p>

    - Bon dieu, dit Sam, ne touchez pas n’importe quoi sans savoir de quoi il s’agit, les gamins…<o:p></o:p>

    Penauds, Chikou et Joss n’osaient pas répondre. Le spectacle terminé, les spectateurs se retirèrent.<o:p></o:p>

    - C’est un piège à souris. On en trouve parfois par ici dit Sam. Ils ne sont pas dangereux pour nous mais ils peuvent faire mal. La preuve !…Par contre, les souris y laissent leur vie. Elles attrapent le fromage avec leur bouche et le piége se referme sur leur cou. Elles meurent étranglées…<o:p></o:p>

    - Quelle horreur ! fit Chikou qui pensait à ses copines. Mais d’où il vient ce truc ?<o:p></o:p>

    -  Ce sont les humains qui les posent pour se débarrasser des souris. On en trouve moins maintenant depuis que nous sommes ici, de plus en plus nombreux. Ils ont compris que les chats étaient plus efficaces que les pièges. Mais il en reste encore quelques uns par ci par là et il vaut mieux ne pas y toucher. Ça va Manouche ?<o:p></o:p>

    - Hummmm !!!! gémit l’intéressée, en continuant de lécher vigoureusement le bout de sa patte.<o:p></o:p>

    - Tu vas boitiller un peu quelques jours et puis tout rentrera dans l’ordre. Mais c’est une bonne leçon. Il n’y a que comme ça qu’on apprend…. Au fait, Chikou, demain, je veux te voir. J’ai parlé avec Thoustra. Le moment de l’épreuve est arrivé. Tu es assez fort maintenant pour l’affronter. Reviens me voir, derrière le restaurant, demain matin, de bonne heure. Je compte sur toi. Allez, salut les enfants…<o:p></o:p>

    -------------------------------

    - Tu vas partir, Chikou. Tu vas nous quitter pendant un an. Tu iras ou tu voudras mais tu ne pourras pas revenir ici avant ce délai. Quand tu reviendras, si tu reviens, nous parlerons. Tu n’es pas obligé de revenir. Si tu trouves un endroit ou tu te sens bien, reste y ! Tout le monde est et reste  libre de ses choix. Tu as vécu heureux ici, je pense, pendant quelques mois. J’y ai veillé. Discrètement bien sur, mais j’ai fait en sorte que tout se passe bien pour toi. Je sais que tu t’es fait des amis. Je sais aussi que les collègues te respectent. <o:p></o:p>

    Tous les chats qui vivent dans la zone ont passé une épreuve, pas nécessairement la même que la tienne. Certains sont partis, d’autres sont restés. Réussir l’épreuve n’est pas obligatoire pour demeurer parmi nous. Mais il faut au moins la mener à son terme. <o:p></o:p>

    Tu comprendras ce que veut dire réussir l’épreuve quand tu reviendras... Pour l’instant, saches seulement que tu nous quittes pour une année. Et surtout ne reviens pas avant, car j’ai donné pour consigne à tous les chats de te chasser si tu revenais avant le terme. Voila, tu as jusqu’à demain matin. Dis au revoir à tes amis. Ils n’essaieront pas de te retenir car ils connaissent les règles. <o:p></o:p>

    Je te souhaite bonne chance et j’espère que tu nous reviendras. Au revoir Chikou…<o:p></o:p>

    Sam parti, Chikou demeura pensif un long moment. Ainsi, il lui fallait tout quitter. Partir de nouveau dans l’inconnu. La première fois, Joss l’avait conduit ici après sa brève existence dans la décharge. Mais aujourd’hui il allait devoir partir seul. Où aller ? A cette pensée, il frissonna, et la peur de se retrouver dans un univers vraisemblablement hostile s’empara de lui...En même temps, il pensa à la page de son livre sur laquelle s’inscrirait cette peur…<o:p></o:p>

    « Allons, conclut il, on verra bien »…<o:p></o:p>

    Sa première visite fut pour Zara. Il fut étonné d’avoir pensé à elle en premier, mais c’était sans doute parce qu’il avait besoin de marcher un peu. Il quitta la ville lentement et parvint au domaine des souris, plongé dans les incertitudes nombreuses qui se bousculaient dans son esprit.<o:p></o:p>

    La vieille Zara fut déçue d’apprendre que Chikou allait partir, et que, peut être ils ne se reverraient plus. <o:p></o:p>

    - Bizarre, cette épreuve dit elle…Je n’en vois pas l’intérêt. Ça changera quoi de passer une année ailleurs ? Enfin, si tes amis et toi pensez que c’est mieux ainsi…<o:p></o:p>

    - Je n’en pense rien, tu sais. Je ne sais pas non plus pourquoi il faut que je parte. Je sais simplement que je ne peux pas rester ici. C’est la règle du clan. Ou bien je pars me chercher un autre endroit pour vivre, ou bien je reviens ici dans un an. Mais dans les deux cas, je dois partir. C’est ainsi.<o:p></o:p>

    - Fais ce que tu penses devoir faire, Chikou. Je penserai à toi, et, si tu ne reviens pas, je ne t’oublierai pas.<o:p></o:p>

    Manouche, allongée sur le ventre, regardait Chikou par en dessous, la tête posée sur ses pattes de devant. Elle le fixait de ses grands yeux bleus et il passait dans son regard l’acceptation résignée de leur séparation.<o:p></o:p>

    Joss, visiblement ému, s’ébroua, et dit :<o:p></o:p>

    - C’est comme ça ! Moi aussi je suis parti. Mais bon dieu, pourquoi un an ? C’est long, un an! Moi il ne m’avait demandé de partir que deux mois. Deux mois ! Et pourtant, j’ai trouvé dur…Pardon Chikou, j’aurai pas du dire ça…<o:p></o:p>

    - C’est pas grave, Joss. Je me doute bien que ce ne sera pas facile. Je n’ai pas vraiment l’impression de partir en vacances…plaisanta Chikou pour tenter d’alléger un peu la tension des adieux.<o:p></o:p>

    Une petite larme coula sur le museau de Manouche et se perdit entre ses moustaches. Elle  ne quittait pas Chikou des yeux.<o:p></o:p>

    - Et puis je reviendrai dit Chikou. Il n’est pas question que je vous abandonne.<o:p></o:p>

    Il frotta, avant de les quitter, son museau sur les moustaches de Joss et s’allongea un moment prés de Manouche afin d’emporter avec lui le parfum de sa fourrure qui, maintenant, devenait aussi belle et aussi brillante que celle de sa mère.<o:p></o:p>

    « C’est vrai qu’elle est devenue très jolie pensa-t-il… » En même temps, il tenta d’esquisser un sourire qui se voulait rassurant.<o:p></o:p>

    Manouche ne remua pas d’un pouce. Chikou s’imprégna de la chaleur de son corps et ressentit le léger tremblement qui faisait trembler la jeune chatte. Il était temps de se secouer…<o:p></o:p>

    Il se remit d’aplomb brusquement et, en prenant l’air le plus détendu possible, il quitta ses deux amis.<o:p></o:p>

    Mélika promit de lui raconter la suite de ses aventures, quand il reviendrait. Chikou lui demanda de dire au revoir à Thoustra, tout en sachant que celui-ci devait être parfaitement au courant de son départ.<o:p></o:p>

    Voila ! Tout était en règle. Chikou, fatigué et triste, se trouva un coin pour dormir et, pour la première fois depuis qu’il était arrivé dans la zone, il se sentit seul.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    ---------------------------------------

    Fin de la 1ère partie<o:p></o:p>

    « PrologueB.D. et Humour »

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